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Et si comprendre l’art contemporain, c’était justement arrêter de faire semblant ?

  • Photo du rédacteur: ARTGAPI
    ARTGAPI
  • 8 juil.
  • 4 min de lecture

Conceptuel, minimaliste, déroutant, parfois provocant… L’art contemporain divise. Entre ceux qui l’adorent et ceux qui n’y “comprennent rien”, une question persiste : faut-il un bagage culturel pour l’apprécier ? Ou est-ce au contraire un mythe entretenu par les élites ? Décryptage d’un débat toujours aussi vif.



“Un carré blanc sur fond blanc”… et alors ?


Tout le monde a déjà eu cette pensée en visitant une galerie : « Je pourrais le faire moi-même. » Que ce soit devant un monochrome, une vidéo floue ou un tas de gravats au sol, l’art contemporain provoque souvent le doute, voire l’agacement.


En 2023, un sondage IFOP révélait que 62 % des Français jugent l’art contemporain “trop élitiste”, et 51 % disent ne pas s’y sentir légitimes.


Le problème ne vient pas tant des œuvres… que de notre rapport à elles.


La culture comme barrière symbolique ?


Historiquement, l’art a toujours été un marqueur social. Bourdieu parlait de “capital culturel” : plus on possède les codes, plus on est à l’aise pour juger ce qu’on voit. Et l’art contemporain – plus intellectuel, souvent déconnecté de la figuration ou de la beauté classique – en est l’illustration parfaite.

« J’ai l’impression qu’il faut avoir fait les Beaux-Arts ou lire Philosophie Magazine pour comprendre ce qu’on voit », confie Inès, 23 ans, étudiante à Toulouse.

Les cartels (ces petites étiquettes à côté des œuvres), souvent remplis de jargon, n’aident pas. On y parle de “pratiques transversales”, de “réflexions sur le médium” ou de “déconstructions des narratifs”. Pas très accueillant pour le visiteur lambda…


Qui fréquente l’art contemporain aujourd’hui ?


Selon les chiffres du ministère de la Culture (2022), moins de 10 % des 18–30 ans ont mis les pieds dans un centre d’art ou une galerie privée dans l’année. L’audience principale reste composée de CSP+ (cadres, professions intellectuelles), diplômés et urbains.


Mais les jeunes ne sont pas désintéressés pour autant. Au contraire, ils sont plus que jamais exposés à l’art via :

  • les réseaux sociaux (TikTok, Instagram, Pinterest),

  • les festivals multidisciplinaires (comme Nuit Blanche, Chaleur Urbaine, Biennale de Lyon…),

  • et les musées qui misent sur des formats interactifs (ateliers, médiation jeune public, podcasts, memes…).


En 2023, la fréquentation des expositions immersives comme TeamLab ou l’Atelier des Lumières a explosé auprès des moins de 30 ans. Le besoin d’un art expérientiel, accessible et émotionnel est manifeste.


Le malaise des “non-experts” face à l’art


Dans une étude menée par le think tank Culture Next (2023), 72 % des jeunes déclarent aimer l’art mais ne pas s’y sentir “compétents”.

Cela pose une vraie question : qui a décidé que l’art devait être compris pour être apprécié ?


L’art classique aussi était codifié à son époque : les allégories religieuses, les portraits de noblesse, les perspectives symboliques.


Aujourd’hui, l’art contemporain dérange parce qu’il ne donne pas immédiatement de clés. Il oblige à ressentir, à douter, à chercher.


Des artistes qui déjouent les codes


Heureusement, de nombreux artistes contemporains revendiquent un art pour tous, sans intermédiaires.

Parmi eux :

  • Saype, un artiste français qui réalise des fresques géantes biodégradables dans l’herbe ou sur des montagnes, visibles uniquement par drone. Il mêle art, écologie et messages universels de paix et de solidarité, sans jamais passer par le marché de l’art traditionnel.

  • Joanie Lemercier, qui mêle art numérique et écologie avec des installations accessibles et interactives.

  • Camille Henrot, qui mêle culture pop et anthropologie pour créer un langage hybride.

  • Artistes de TikTok comme @clementinemorrigan ou @toughcookieart qui partagent leurs créations avec une narration simple, accessible et très suivie.


Ces artistes cherchent moins à être compris qu’à provoquer une réaction, un dialogue, une émotion. Et c’est peut-être là l’essence même de l’art.


Une accessibilité qui passe par le lien


Si l’art contemporain rebute parfois, c’est aussi parce que l’institution ne joue pas toujours son rôle de médiation. Trop souvent, elle parle à ceux qui savent déjà. Mais des initiatives fleurissent :

  • Artgapi, par exemple, veut casser la distance entre artistes et publics, en rendant visible l’envers du décor, les processus, les réflexions.

  • Des festivals comme Jeune Création ou 100 % à la Villette privilégient la rencontre, la discussion, les performances gratuites.

  • Des podcasts et comptes Instagram comme @culturezvous, @lespetitesluxes ou @artips permettent d’apprendre sans snobisme.


Et si finalement, il ne s’agissait pas de "comprendre" mais de s’autoriser à ressentir, à dire “j’aime” ou “je n’aime pas” sans se justifier ?


“L’art ne s’explique pas. Il se vit.”


C’est peut-être là, la clé. On n’a pas besoin de maîtriser Foucault ou Duchamp pour ressentir quelque chose devant une œuvre. Le regard n’a pas besoin d’être savant pour être légitime.

Le philosophe Jacques Rancière écrivait : “Il n’y a pas d’art élitiste. Il n’y a que des dispositifs qui rendent le regard inégal.”

C’est au monde de l’art de faire tomber ses murs, de tendre la main. Et à nous, publics, de reprendre possession du regard, avec curiosité, sans complexes.



Et si l’on cessait de demander “qu’est-ce que ça veut dire ?” pour simplement se demander : “qu’est-ce que ça me fait ?”


Et si les outils numériques permettaient non pas de "vendre plus", mais de rendre visibles plus d’artistes, plus d’émotions, plus de voix multiples ?


L’art contemporain n’a jamais été aussi vivant. Il suffit parfois juste d’oser franchir la porte.

 
 
 

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