Pourquoi les jeunes n’achètent (presque) plus d’art ?
- ARTGAPI
- 25 juin
- 3 min de lecture
Entre désintérêt supposé, contraintes économiques et nouvelles pratiques numériques, que reste-t-il du rapport des jeunes générations à l’art ?

« J’aimerais bien, mais ce n’est pas pour moi. »
Emma, 27 ans, travaille dans le graphisme à Lyon. Elle suit plusieurs artistes sur Instagram, visite des expos, adore le design... mais n’a jamais acheté une seule œuvre d’art. « J’ai l’impression que ce n’est pas mon monde. Déjà, je n’ai pas les moyens, et puis, je ne saurais même pas où chercher », confie-t-elle.
Comme elle, près de 80 % des 18–34 ans se disent intéressés par l’art selon une étude menée par Art Basel et UBS en 2023. Mais seuls 9 % ont déjà acquis une œuvre originale.
Alors, où est le bug ? Pourquoi cette génération, réputée connectée, créative et en quête de sens, reste-t-elle absente du marché traditionnel de l’art ?
Des barrières culturelles et économiques encore bien ancrées
Avant tout, il y a un frein psychologique : l’achat d’art est encore perçu comme un acte élitiste, réservé aux initiés. Un domaine où l’on a peur de "mal faire", de mal choisir, ou de ne pas comprendre les codes.
Mais la question financière reste centrale :
Le prix moyen d’une œuvre vendue en galerie en Europe est estimé entre 1 500 et 5 000 euros, selon le rapport Hiscox 2024.
Dans un contexte de précarité étudiante, de loyers élevés et d’épargne difficile, l’art ne figure pas sur la liste des priorités.
Et puis il y a la logistique : comment transporter, accrocher, assurer une œuvre ? Où la mettre quand on vit dans 30 m² ? L’art « physique » semble parfois inadapté au mode de vie urbain et mobile des jeunes adultes.
La consommation d’art se déplace sur le digital
Mais dire que les jeunes se désintéressent de l’art serait une erreur. Ils le regardent, le partagent, l’aiment, mais autrement. Sur Instagram, Pinterest ou TikTok, les œuvres sont partagées, remixées, discutées.
Un chiffre marquant : 67 % des moins de 30 ans découvrent aujourd’hui l’art via les réseaux sociaux (rapport Vastari, 2023).
Les nouvelles générations consomment l’art comme une expérience : elles préfèrent les expositions immersives, les événements en friche, les performances participatives. Elles veulent du vivant, du mobile, du collectif.
Et quand elles achètent, ce sont souvent :
Des prints en série limitée, à prix abordable.
Des objets dérivés artistiques (zines, totebags, bijoux...).
Des NFTs ou œuvres numériques, faciles à stocker et à revendre.
Ce que veulent les jeunes ? De l’accès, de la transparence et du sens
Ce que les jeunes générations attendent d’une œuvre va bien au-delà de la déco : elles veulent un lien, une histoire, un engagement.
Ils privilégient les artistes qui :
parlent d’identité, d’écologie, de politique ;
sont accessibles directement (sur les réseaux ou via des plateformes) ;
sont transparents sur leur démarche et leurs prix.
C’est là qu’émergent de nouveaux modèles de diffusion de l’art :
Des projets collectifs comme Artagon, Poush Manifesto ou les open studios qui abolissent les frontières entre regardeur et créateur.
Des plateformes comme Artgapi, qui facilitent la découverte et la mise en relation directe entre artistes et publics.
L’enjeu : réinventer la vente, sans perdre l’âme
Le marché de l’art n’a pas (encore) su s’adapter complètement à ces nouvelles attentes. Beaucoup de galeries n’ont toujours pas de prix affichés sur leur site, pas de formats numériques, pas de politique de médiation.
Pourtant, des initiatives apparaissent :
Les foires alternatives comme YIA, District 13 ou le Salon Galeristes proposent des œuvres plus accessibles.
Certains artistes vendent directement via Instagram, Etsy, ArtMajeur, ou leurs propres sites.
De nouveaux intermédiaires comme KAZoART, Singulart ou Artgapi s’emparent de la question de l’accessibilité, en facilitant l’achat sans complexité ni intimidation.
Une génération en quête d’art... mais autrement
Non, les jeunes ne tournent pas le dos à l’art. Ils le consomment autrement, plus intuitivement, plus expérimentalement. Ils le veulent désacralisé mais sincère, abordable mais profond.
Alors, et si ce n’était pas eux qui avaient déserté l’art, mais l’art qui avait oublié d’aller vers eux ?
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