Féminisme et street art : les femmes reprennent les murs
- ARTGAPI
- 5 juin
- 3 min de lecture

Le street art est par essence un art de transgression.
Il naît dans la rue, sans autorisation, sans cadre. Pourtant pendant des décennies, ce terrain a exclu… les femmes.
Ce territoire masculin, brut, nocturne va pourtant changer.
En effet depuis quelques années, un vent nouveau souffle sur les murs. Un vent de réappropriation.
Aujourd’hui, les femmes ne demandent plus à peindre les murs, elles le prennent.
Les femmes artistes investissant l’espace urbain, reprennent leur place dans la rue, dans l’art, dans la société.
Et si, dans cette bataille pour la visibilité, chaque fresque devenait un acte politique ?
I. Street art et patriarcat : un espace codé au masculin
Le graffiti est né dans des contextes de virilité urbaine, souvent associé à la compétition, au danger, à l’ego.
Historiquement, les crews de graffeurs étaient masculins, codifiés, presque militaires.
Les femmes y ont été effacées, ignorées, sexualisées ou réduites à des "muses".
L’espace public est historiquement un lieu d’exposition du pouvoir masculin. Alors que les femmes, elles, y sont souvent regardées… rarement vues.
Faire du street art pour une femme, c’est plus qu’un geste artistique : c’est une reconquête.
II. Ces femmes qui redéfinissent le paysage urbain
Elles sont graffeuses, muralistes, activistes, parfois tout à la fois. Elles bousculent les codes, imposent d’autres formes de beauté, d’autres récits.
Miss.Tic (France)
Pionnière du street art poétique, elle mêle aphorismes et figures féminines depuis les années 80 sur les murs de Paris.
« Je veux vivre libre, libre de moi, libre de toi. »
Son œuvre est intime et politique : elle questionne le désir, le genre, la liberté. Dans une époque qui voulait la faire taire.
Zabou (France – UK)
Fresque ultra-réalistes de femmes puissantes, scientifiques, artistes, figures oubliées. Elle peint en grand ce que l’histoire a réduit en bas de page.
Son mur dédié à Frida Kahlo à Londres : une explosion de couleurs, de regards droits et de corps affirmés.
Lady Aiko (Japon – USA)
Ancienne collaboratrice de Bansky, elle mélange érotisme, icônes féminines, culture pop et motifs traditionnels japonais.
Son style "fem-pop" offre une vision où la sensualité n’est plus passive, mais revendiquée. Ou encore sa série Love Monster qui détourne les clichés du manga et expose une féminité indomptable.
Hyuro (Argentine – Espagne)
Disparue en 2020, Hyuro reste une figure majeure du muralisme poétique. Elle travaillait en nuances de gris, avec des corps fragmentés, désarticulés… presque fantomatiques. Ses œuvres profondément politiques abordent la maternité, l’invisibilisation des femmes, la norme.
III. Le corps dans l’espace public : une réappropriation politique
« Quand une femme prend la rue, elle dérange. Quand elle y laisse une trace, elle résiste. »
Dans leurs œuvres, ces artistes parlent de corps libre, de sororité, d’héritage féministe, de sexualité non édulcorée, de violence, d’oubli… Elles ne se contentent pas de représenter des femmes. Elles installent des corps dans l’espace public, souvent dans des postures de résistance, de soin, de révolte.
« Être visible, dans l’espace commun, est déjà un acte féministe. »
Elles revendiquent le droit d’exister en dehors de la galerie, du marché, du regard masculin. Et cela dérange. Certaines œuvres sont vandalisées. D'autres censurées. Ce rejet confirme leur puissance subversive.
IV. Une nouvelle génération, connectée et collective
Aujourd’hui, les street-artistes féminines ne sont pas isolées : elles se soutiennent, se répondent, créent des réseaux.
Projet "Female Street Art Map" : une carte collaborative des œuvres de femmes dans le monde.
Collectifs comme Le M.U.R., Grrrls Art Collective, Womart (Espagne), qui organisent des expos de rue 100% féminines.
L’art devient aussi une plateforme d’expression intersectionnelle : on y parle d’identité queer, raciale, sociale, de luttes croisées.
Et si les murs devenaient miroirs ?
Ce que les femmes font au mur, ce n’est pas "ajouter une touche de féminité". C’est modifier le regard.C’est inscrire leurs récits dans le béton, leurs colères sur la brique, leurs rêves à hauteur d’œil.
Et demain ?
Et si on arrêtait de dire "artiste femme", pour simplement dire "artiste" ?
Et si les villes intégraient durablement ces voix dans leurs parcours artistiques ?
Et si les institutions donnaient plus de place aux street-artistes féminines dans leurs programmations ?
Et si Artgapi devenait une vitrine digitale pour ces street-artistes engagées, afin de prolonger leur message au-delà des murs ?
…Ah oui, mais ça, c’est déjà fait !
Parce que l’art urbain féminin n’est pas une tendance. C’est une révolution discrète. Mais indélébile.
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